Marchés publics

Modification substantielle d'un marché non conditionnée à l'existence d'un accord écrit signé par les parties

Résumé :

La Cour de justice des communautés européennes a jugé, dans un arrêt du 7 décembre 2023 (CJUE, 7 décembre 2023, Communes de Razgrad et Balchik, aff. jointes C‑441/22 et C‑443/22), que l'absence d’accord écrit des parties ne fait pas échec à la qualification de modification substantielle dès lors que d’autres écrits émanant des parties traduisent leur volonté de procéder à cette modification.

La CJUE a donné une interprétation de l’article 72, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 4, de la directive 2014/24 (marchés publics) car se posait la question de savoir si la modification d’un contrat de marché public, pour être qualifiée de « substantielle » au sens de cette disposition, les parties au contrat devaient avoir signé un accord écrit ayant pour objet cette modification ou s’il suffisait qu’existent d’autres éléments écrits émanant de ces parties et établissant une volonté commune de procéder à ladite modification.
La juridiction de renvoi s’interroge ainsi sur le point de savoir si l’absence d’accord écrit portant modification du délai d’exécution des travaux tel que fixé dans le contrat initial de marché public fait obstacle à ce que la prolongation de fait de ce délai résultant de retards dans l’exécution de ces travaux soit considérée comme constituant une modification « substantielle » du marché concerné, au sens de l’article 72, paragraphe 4, de la directive 2014/24.

Pour la CJUE :
59. En revanche, l’article 72 de la directive 2014/24 ne prévoit pas, s’agissant d’une modification d’un contrat de marché en cours d’exécution, qu’une telle modification ne pourrait être qualifiée de « substantielle », au sens du paragraphe 1, sous e), et du paragraphe 4, de celui‑ci, que si elle est constatée par un accord écrit portant modification du contrat, et que pareil constat ne pourrait, partant, pas être déduit d’éléments écrits établis au cours de communications entre les parties.

60. Cette interprétation de l’article 72 de la directive 2014/24 est corroborée par les objectifs poursuivis par cette disposition et le contexte dans lequel celle-ci s’inscrit.

61. En particulier, en encadrant les conditions dans lesquelles les marchés publics en cours peuvent être modifiés, l’article 72 de la directive 2014/24 vise à assurer le respect des principes de transparence des procédures et d’égalité de traitement des soumissionnaires. En effet, ces principes font obstacle à ce que, après l’attribution d’un marché public, le pouvoir adjudicateur et l’adjudicataire apportent aux dispositions de ce marché des modifications telles que ces dispositions présenteraient des caractéristiques substantiellement différentes de celles du marché initial (voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 2010, Wall, C‑91/08, EU:C:2010:182, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 3 février 2022, Advania Sverige et Kammarkollegiet, C‑461/20, EU:C:2022:72, point 19 ainsi que jurisprudence citée). Le respect de ces principes s’inscrit, à son tour, dans l’objectif plus général des règles de l’Union en matière de marchés publics consistant à assurer la libre circulation des services et l’ouverture à la concurrence non faussée dans tous les États membres (voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 2008, pressetext Nachrichtenagentur, C‑454/06, EU:C:2008:351, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée ; du 13 avril 2010, Wall, C‑91/08, EU:C:2010:182, point 37 et jurisprudence citée, ainsi que du 12 mai 2022, Comune di Lerici, C‑719/20, EU:C:2022:372, point 42 et jurisprudence citée)."

La CJUE poursuit :

"64. Or, l’intention de renégocier les conditions du marché peut être révélée sous d’autres formes qu’un accord écrit portant expressément sur la modification concernée, une telle intention pouvant notamment être déduite d’éléments écrits établis au cours de communications entre les parties au contrat de marché public.

65 . Par conséquent, il convient de répondre aux premières et deuxièmes questions dans les affaires C-441/22 et C-443/22 que l’article 72, paragraphe 1, sous e), et paragraphe 4, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens que, aux fins de qualifier une modification d’un contrat de marché public de « substantielle », au sens de cette disposition, les parties au contrat ne doivent pas avoir signé un accord écrit ayant pour objet cette modification, une volonté commune de procéder à la modification en question pouvant également être déduite, notamment, d’autres éléments écrits émanant de ces parties."

Consulter le commentaire publié dans la lettre de la DAJ n° 370 du 21 décembre 2023

 

 

Social & Newsletter

© 2024-2025 Ensemble 77. Tous droits réservés.Design & Développement Gemeline Design

Search