Marchés publics

Accord-cadre multi-attributaires : office du juge en matière d'annulation ou de résiliation

Résumé :

Le 24 novembre 2023, le Conseil d'Etat a rendu un avis (CE, Avis, association MEDIMMS interprétariat, 24 novembre 2023, n° 474108) précisant l'office du juge en matière d'annulation ou de résiliation d'un accord-cadre multi-attributaire. Ainsi, chaque titulaire d’un accord-cadre multi-attributaire doit être regardé comme un tiers pour l’exercice d’un recours dit « Tarn-et-Garonne ».

Avant de statuer sur des demandes tendant à l'annulation d'un accord-cadre portant sur des prestations d'interprétariat et de traduction, le tribunal administratif de Bordeaux a décidé de transmettre le dossier au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

  1. Appartient-il au juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens par l'un des titulaires d'un accord-cadre multi-attributaire à bons de commande, notamment dévolus par une méthode dite « en cascade », de prononcer l'annulation ou la résiliation de cet accord-cadre en tant qu'il a été conclu avec un ou plusieurs de ses autres titulaires, alors qu'une telle annulation ou résiliation aurait pour effet de ramener le nombre des titulaires de cet accord-cadre à un nombre inférieur à celui fixé en vertu des dispositions du règlement de la consultation publié pour la passation du contrat en litige voire à aboutir à ce que seul l'un de ses titulaires en assure l'exécution ?
  2. Les irrégularités constatées par le juge du contrat saisi d'un recours en contestation de la validité d'un accord-cadre multi-attributaire formé par l'un de ses titulaires, alors même qu'elles ne porteraient que sur la candidature ou sur l'offre de l'un de ses titulaires, peuvent-elles le conduire à prononcer l'annulation ou la résiliation totale de l'accord-cadre en litige ?

Le Conseil d'Etat rappelle :

  • d'une part, que " tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles." ;
  • d'autre part, qu'en application de l'article L. 2125-1 du code de la commande publique, l'accord-cadre constitue une technique d'achat " qui permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d'une période donnée. (…)".

Le Conseil d'Etat poursuit :

  • "Lorsqu'un accord-cadre est conclu avec plusieurs opérateurs économiques, chacun de ses titulaires doit être regardé, pour l'exercice de l'action en contestation de la validité du contrat, comme un tiers à cet accord en tant que celui-ci a été conclu avec les autres opérateurs".
  • (...) "Par suite, saisi par l'un des titulaires d'un recours en contestation de la validité de l'accord-cadre en tant qu'il a été conclu avec d'autres opérateurs économiques et si les conditions de recevabilité énoncées sont réunies, le juge du contrat peut prononcer, le cas échéant, la résiliation ou l'annulation de cet accord en tant qu'il a été attribué à ces autres opérateurs dès lors qu'il est affecté de vices qui ne permettent pas la poursuite de son exécution. La circonstance qu'une telle annulation ou une telle résiliation aurait pour effet de ramener le nombre des titulaires de cet accord-cadre à un nombre inférieur à celui envisagé par le règlement de la consultation est sans incidence sur la possibilité pour le juge de la prononcer".
  • "Lorsqu'il est ainsi saisi de conclusions contestant la validité de l'accord-cadre en tant qu'il a été conclu avec certains opérateurs économiques, le juge du contrat ne peut prononcer la résiliation ou l'annulation de l'accord-cadre dans son ensemble".